Résultats législatives : « On sait déjà qu’il y aura une volonté de certains mouvements de faire pression par la rue et par la violence sur le nouvel exécutif », déclare Olivier Vial

Entretien paru sur le site Epoch Times, le 27 juin 2024.

ENTRETIEN – Olivier Vial est directeur du CERU, le laboratoire d’idées en charge du programme de recherche sur les radicalités. Il analyse pour Epoch Times les différents types de mobilisations qui pourraient avoir lieu en cas de victoire du Rassemblement national aux élections législatives.

Epoch Times – Les manifestations contre l’extrême-droite se multiplient partout sur le territoire depuis la victoire du RN aux élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Comment voyez-vous la situation le 8 juillet si le Rassemblement national obtenait la majorité absolue ? Doit-on craindre des débordements ?

Olivier Vial – Je pense que c’est une probabilité assez forte. D’ailleurs, que ce soit le RN qui remporte le scrutin, qu’il n’y ait pas de majorité à l’Assemblée nationale ou, scénario très improbable, que la majorité présidentielle soit reconduite, je crois qu’il y a un risque réel de mobilisations et d’actes de violence. Néanmoins, on peut imaginer que les manifestations et les violences seront moins importantes si ce n’est pas directement le RN qui arrive aux responsabilités. Mais on sait déjà qu’il y aura une volonté de certains mouvements de faire pression par la rue et par la violence sur le nouvel exécutif.

Quels mouvements ou organisations pourraient être à l’origine de ces actes de violence ?

Il y en a beaucoup. Il faut déjà prendre en compte les organisations qui ne sont pas forcément violentes, mais qui soutiennent le Nouveau Front populaire. Je pense par exemple à Oxfam. Quoiqu’il arrive, même si la gauche arrive au pouvoir, elles vont être dans une logique de pression sur les nouveaux élus pour qu’ils appliquent un programme assez radical qu’elles auront elles-mêmes défini.

Je pense que ces organisations vont se mobiliser, et même si elles n’en sont pas à l’origine, il y a un risque de débordements assez élevé puisque des mouvements radicaux, notamment liés aux antifas vont vraisemblablement s’infiltrer dans leurs cortèges.

Je note également que pour la première fois, une coalition de gauche a intégré des mouvements violents, que ce soit le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ou la Jeune Garde qui est une organisation antifasciste. Nous avons donc dans ce Nouveau Front Populaire, des mouvements qui ont fait de l’expression de la violence, une expression politique comme une autre. Par conséquent, il y a les germes d’une radicalité nouvelle, légitimée par cette nouvelle alliance politique, et ces mouvements sont en mesure de faire monter le niveau de la violence au moment des élections législatives.

Enfin, il y a des mouvements écologistes radicaux comme les Soulèvements de la Terre qui ont d’ores et déjà annoncé des mobilisations. Dans un communiqué publié le 14 juin, les Soulèvements de la Terre ont prévenu que, quel que soit le résultat des élections législatives, et notamment si le RN arrive aux affaires, ils mettraient en place des blocages et prendraient des ronds-points partout sur le territoire.

Ils ont également précisé qu’ils mèneraient des actions contre le groupe Bolloré et que cette fois-ci leur objectif est de s’opposer au Rassemblement national de manière physique, et non simplement par les urnes.

Tous ces éléments font qu’il y a un risque de montée de la violence, mais une violence assez prévisible puisqu’on sent depuis quelques semaines, une accélération d’un mouvement qui a, en réalité, débuté dans les années 2020.

Ces mobilisations constituent-elles une menace sérieuse à la fois pour les institutions et la démocratie de manière générale ?

Difficile à savoir pour l’instant. Emmanuel Macron agite la menace de la guerre civile, mais je ne sais pas ce que ça veut dire.

Je pense que nous avons affaire à des mouvements à peu près de même nature que ceux que nous avons connus à l’époque des gilets jaunes ou plus récemment à l’occasion de manifestations contre la réforme des retraites, c’est-à-dire des groupes qui harcèlent les forces de l’ordre et qui essayent de mettre le feu à différentes installations.

Par exemple, la semaine dernière, dans la région de Grenoble, plusieurs transformateurs électriques ont été incendiés de façon coordonnée la même nuit. Et au même moment dans le Sud-Ouest, notamment autour du chantier de l’A69, des actions similaires ont été menées, mais cette fois-ci par des mouvements beaucoup plus radicaux.

On assiste depuis plusieurs semaines à des actions très violentes avec l’utilisation d’engins explosifs et incendiaires pour détruire certaines installations. C’est vraiment cette montée de la violence qui peut nous inquiéter.

Je rappelle que l’année dernière, lors d’une interview sur France Inter, la porte-parole des Soulèvements de la Terre, Léna Lazare, à la question de savoir si l’utilisation de bombes a été envisagée par les Soulèvements de la Terre, a répondu que pour l’instant, ce n’était pas le cas mais, qu’à un moment ou à un autre, le mouvement écologiste sera bien obligé de passer par là.

Le risque est donc réel, mais il n’est peut-être pas massif. Nous ne sommes pas dans une configuration de guerre civile, mais face à un risque de formation de poches qui peuvent être assez violentes et qui sont en capacité d’entraîner des mouvements avec eux.

On se souvient qu’au moment des émeutes de juin 2023, des organisations comme le NPA avaient essayé d’appeler à la conjonction des revendications entre les émeutiers et les mouvements d’ultra-gauche, mais cela n’avait pas fonctionné. Aujourd’hui, le résultat pourrait être différent.

Des mobilisations sans mouvements antifascistes ou d’ultra-gauche ressemblant aux émeutes de juin 2023 peuvent-elles avoir lieu ?

C’est une hypothèse, mais la montée de la violence est quand même très liée à l’infiltration de l’ultra-gauche dans différents secteurs. On le voit avec les Soulèvements de la Terre, l’exemple type d’un mouvement écologiste qui était jusqu’à présent plutôt adepte de la non-violence, de la désobéissance civile, mais non-violente, mais qui est devenu nettement plus violent parce qu’il a été infiltré par des mouvements beaucoup plus radicaux. Même chose pour Extinction Rébellion et Alternatiba.

Il y a même des universitaires bénéficiant d’une aura très importante dans ces milieux, à l’instar d’Andreas Malm, qui prône l’utilisation de la violence comme un outil légitime et quotidien de l’action politique.

Ils ont totalement changé le modèle des mouvements écologistes, et certaines violences qui étaient jusqu’à présent minoritaires, se sont répandues dans des mouvements beaucoup plus massifs et avec une caisse de résonance beaucoup plus forte.

Il pourrait se produire la même chose avec les banlieues. On nous dit que les banlieues pourraient s’enflammer d’elles-mêmes, mais il y a quand même des acteurs qui soufflent sur les braises depuis des années. Encore une fois, le NPA tente depuis les années 2000 d’établir une jonction entre l’extrême-gauche et les banlieues. Pour l’instant, ils n’y sont pas parvenus.

Néanmoins, je pense que trois éléments font qu’aujourd’hui, cette jonction est possible. Premièrement, certains jeunes et militants des banlieues sont imprégnés par le discours woke sur le racisme systémique ou encore les violences policières.
La question des violences policières a été un vrai moyen pour l’extrême-gauche d’entrer en contact avec des mouvements dans les banlieues. Des auteurs comme Mathieu Rigouste ont également beaucoup travaillé sur la manière de diaboliser la police dans les banlieues, et cela a bien fonctionné.

Deuxièmement, le conflit israélo-palestinien et la stratégie de LFI qui consiste à radicaliser son positionnement y compris en développant des thèses antisionistes, voire antisémites, pour faire corps avec la partie la plus radicale de l’électorat musulman, peuvent jouer un rôle important dans le rapprochement entre les banlieues et l’extrême-gauche.

Enfin, il y a un élément plus structurel sur lequel je viens de publier une note : le travail de longue haleine qui a été fait par certains médias, plus particulièrement AJ + auprès de la jeunesse étudiante de gauche et d’extrême gauche ou en tout cas des jeunes de banlieues.

Dans la note, je montre comment la stratégie du média depuis 2017 a consisté à faire ce qu’on appelle de la propagande « under the radar », c’est-à-dire que la majorité des gens n’ont pas vu ce qu’il se passait puisqu’il n’y a que les personnes concernées qui sont ciblées par les vidéos d’AJ +.

Depuis 7 ans, plusieurs dizaines de milliers de vidéos ont été diffusées, et ces vidéos ont deux objectifs. Le premier est d’imposer l’image d’une France raciste, avec des violences policières, des discriminations systémiques, de manière à créer un séparatisme entre une partie de la jeunesse et la nation. Une stratégie efficace puisqu’on retrouve aujourd’hui dans le vocabulaire des revendications des banlieues, les termes de « violences policières », de « racisme systémique » ou d’ « appropriation culturelle », alors qu’ils n’y figuraient pas dans les revendications classiques. Il y a 20 ans, on parlait de manque de moyens ou de discriminations à l’embauche.

Le deuxième objectif, ce qui nous amène à la jonction entre l’extrême-gauche et les banlieues, a été de véhiculer un discours visant notamment les jeunes engagés dans la mouvance woke sur la culpabilisation vis-à-vis de la culture occidentale. On le voit aujourd’hui avec la prise de position systémique des étudiants de certains établissements en faveur de Gaza.

Aujourd’hui, il y a une partie de la jeunesse étudiante privilégiée qui joue aux militants palestiniens parce qu’ils ont été abreuvés par ce type de vidéos qui sont extrêmement manichéennes.

Il y a, par exemple, une vidéo qui présente le Hamas, non pas comme une organisation terroriste, mais un mouvement de résistance pas du tout antisémite qui s’intéresse surtout à la question du logement. On est dans un déni qui est totalement surréaliste.

Ces mouvements pourraient-ils rassembler un grand nombre de personnes ? Des enquêtes montrent que l’image que l’opinion publique a du RN a changé avec le processus de dédiabolisation.

Oui tout à fait. On le remarque aisément en analysant les dernières manifestations. La manifestation de samedi dernier à Paris a réuni près de quinze fois de moins de personnes que celle de 2002. En outre, elle était beaucoup plus radicale. Et les deux phénomènes se conjuguent à chaque fois.

Pour ma part, je crois qu’on aura une mobilisation beaucoup moins massive que ce qu’on a pu vivre quand Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle en 2002, quand il n’avait aucune chance d’arriver au pouvoir. C’est d’ailleurs ce que Lionel Jospin avait appelé à l’époque « le petit théâtre antifasciste ». On a fait semblant de mobiliser les gens sur un péril qui n’existait pas. Plus de 20 ans après, l’arrivée au pouvoir du RN devient quelque chose de possible.
Mais effectivement, les gens n’ont plus du tout la même image du RN. À raison sans doute, parce qu’il a beaucoup évolué. Le RN n’est pas le même repoussoir qu’il était il y a 22 ans. Donc effectivement, il y aura moins de mobilisations spontanées.

Avec ces mobilisations, le risque, c’est qu’elles sont aujourd’hui tenues par des mouvements beaucoup plus radicaux qu’en 2002. À l’époque, seuls les syndicats classiques portaient la contestation. Mais maintenant, on voit des mouvements comme les Soulèvements de la Terre, ou les antifas de Révolution Permanente qui commencent à se mobiliser. La semaine dernière à Paris, il y avait  même un cortège du parti des Indigènes de la République qui défilait.
Nous avons affaire à des mouvements beaucoup plus radicaux qui peuvent avoir un effet épouvantail très fort pour une grande partie de l’opinion publique.

Plus le mouvement se radicalise, plus il devient dangereux parce que ce sont des gens qui sont prêts à une certaine forme de violence. Je note d’ailleurs que plus les manifestations sont massives, moins il y a d’échauffourées, et quand elles sont moins importantes, elles sont plus violentes.

In fine, je crois qu’on risque, non pas de se retrouver devant un tsunami de mobilisation, mais à des vagues beaucoup plus violentes et des petites échauffourées qui soient des tentatives de sabotage et d’agression.

La semaine dernière, un candidat RN  a été agressé par des personnes cagoulées sur un marché. La veille, à Lyon un jeune militant RN s’est fait faucher par une voiture conduite par des militants antifas. Toute cette violence monte, et il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Depuis des années, cette augmentation de la violence est visible, et on a l’impression que la dissolution de l’Assemblée nationale lui a donné un formidable coup d’accélérateur.

AJ+, le fer de lance de la stratégie subversive du Qatar en France.

Nouvelle étude sur l’influence des Frères musulmans sur la jeunesse en France

Paris, le 25 juin – Le CERU, le labo d’idées universitaire vient de publier une note examinant le rôle du média AJ+ et du Qatar dans l’influence croissante des Frères musulmans sur la jeunesse française. Cette note, présentée dans le cadre d’une table ronde au Sénat, offre une analyse approfondie des stratégies de subversion utilisées par ce média pour influencer les jeunes générations.

AJ+ : Un média à double visage

AJ+, déclinaison de la chaîne qatarie Al-Jazeera, tente de se faire passer pour un média inclusif et progressiste destiné aux jeunes occidentaux. Derrière cette façade se cache une stratégie bien orchestrée de subversion et d’influence, visant à promouvoir les idéologies des Frères musulmans et du Qatar auprès des jeunes générations en France.

Olivier Vial, directeur du CERU, souligne que « la chaîne utilise une charte graphique moderne et l’écriture inclusive pour se fondre dans le paysage médiatique occidental tout en diffusant des messages politiques qui visent à antagoniser la société et dissoudre la cohésion nationale. »

Un média au service de la radicalisation et du séparatisme

AJ+ vise principalement deux catégories de jeunes : ceux issus de l’immigration et de culture musulmane vivant dans les quartiers, et les jeunes occidentaux ouverts aux luttes intersectionnelles. La chaîne utilise des thématiques telles que les violences policières, le racisme systémique et l’islamophobie pour alimenter le ressentiment et radicaliser ces publics​​.

L’islamo-wokisme : une nouvelle forme de subversion

La stratégie suivie par AJ+ s’inscrit parfaitement dans la tendance observée par le Pr. Lorenzo Vidino, en charge des recherches sur l’extrémisme à l’université George Washington, de l’islamo-wokisme. Cette alliance idéologique entre les thèses islamistes et les courants woke se manifeste par une dénonciation commune de l’Occident, présenté comme oppresseur et raciste. Les jeunes sont ainsi incités à adopter des positions radicales, mélangeant revendications identitaires et religieuses.

Appel à une vigilance accrue et à des actions concrètes

Le CERU appelle à une vigilance accrue face à cette forme de subversion moderne. Olivier Vial insiste sur la nécessité pour les autorités françaises de prendre des mesures pour contrer cette influence insidieuse. « Face à cette propagande plus complexe et subtile menée par le Qatar, mais également beaucoup plus dangereuse pour la cohésion de notre pays, la France doit se montrer beaucoup plus vigilante, » conclut-il.

Le CERU formule plusieurs demandes précises :

  1. Interdiction de la diffusion d’AJ+ en France : Mettre fin à la propagation de contenus subversifs par ce média.
  2. Renforcement de la régulation des médias en ligne : Mettre en place des mécanismes plus stricts pour surveiller et contrôler les contenus diffusés par des médias étrangers, en particulier ceux liés à des mouvances radicales.
  3. Redéfinition de la politique de la France vis-à-vis du Qatar et de ses stratégies d’influence et de subversion. 

Sources :

  • AJ+, fer de lance de la stratégie subversive du Qatar en France. ​​

Montée de la violence politique, un risque réel après les législatives

Olivier Vial, directeur du CERU, en charge du programme de recherche sur les RadicalitéS, était interrogé par Atlantico, le 19 juin : « Un gouvernement technique en cas d’absence de majorité est-il un aller simple pour la violence politique?« 

Atlantico : Pensez-vous qu’un gouvernement technique pourrait réellement atténuer ou exacerber la violence politique actuelle en France, compte tenu de l’absence d’une majorité stable et de la montée des passions non purgées lors de la dernière campagne présidentielle ?


Olivier Vial : Non, je crois qu’un gouvernement technique serait considéré par les activistes comme un gouvernement d’extrême-centre, et ils estiment que l’extrême-centre est responsable de la possible arrivée au pouvoir de l’extrême-droite. C’est ce que soutiennent, par exemple, les Soulèvements de la Terre. Que ce soit un gouvernement technique ou un gouvernement du Rassemblement National, les deux seront des prétextes pour faire monter la violence politique, déjà très importante aujourd’hui et de plus en plus légitimée, notamment par le Bloc de gauche, qui la revendique comme un moyen d’action légitime.


Hier matin, nous avons un exemple illustrant ce phénomène : Mathilde Panot a été interrogée sur le fait d’avoir investi Raphaël Arnault, le leader de la Jeune Garde, un mouvement antifasciste, impliqué dans plusieurs actions violentes et des actions d’apologie du terrorisme. Raphaël Arnault est fiché S à plusieurs reprises, apparemment sous différentes identités. Lorsqu’on demande à Mathilde Panot si c’était une erreur de l’avoir investi, elle répond que non, c’est totalement assumé et réfléchi.
Quand on assume avoir investi des personnes qui utilisent la violence politique comme un outil quotidien, on ne peut pas s’étonner que le niveau de violence augmente. En somme, quel que soit le gouvernement, s’il n’est pas celui du Nouveau Front Populaire, si le gouvernement ne leur convient pas, il y a un risque important de violence.

Atlantico : Comment interprétez-vous donc le rôle des universitaires et de figures politiques comme Mathilde Panot dans la légitimation de la violence politique, surtout en contexte de candidatures controversées telles que celle de Raphaël Arnault ?


Olivier Vial : Il y a eu plusieurs cas au cours des dernières années, mais il faut noter que la violence politique a toujours été revendiquée par une partie extrêmement minoritaire de la gauche, en particulier de l’ultra-gauche, présente dans les mouvements antifascistes. Les mouvements antifascistes ont toujours été violents, et les mouvements anarchistes autonomes ont également pratiqué la violence. Mais ces deux familles étaient restées relativement minoritaires jusqu’à présent.


Depuis 2018, un auteur notable, Marc Bray, un penseur de l’antifascisme, a redéfini ce qu’il appelle « l’antifascisme du quotidien ». Selon lui, les actions antifascistes, y compris l’utilisation de la violence contre certaines personnes, ne visent pas seulement à empêcher l’accession au pouvoir des mouvements fascistes, mais aussi à lutter contre diverses formes de fascisme. Cela inclut les discriminations raciales, les discriminations de genre, la pollution, et, en général, tout ce qui constitue une entrave au combat anticapitaliste. Ainsi, cette redéfinition élargit considérablement le champ d’action de l’antifascisme.
Cet élargissement du champ de l’antifascisme a permis à beaucoup plus de personnes d’utiliser des méthodes violentes, autrefois limitées à ce domaine, dans d’autres contextes. La deuxième évolution, et sans doute la plus importante, est l’influence exercée sur les mouvements écologistes.

Traditionnellement, ces mouvements étaient des adeptes de la non-violence. Ils se contentaient de pratiquer des actions de désobéissance civile non-violente.

Atlantico : Les coalitions actuelles, bien que plus petites et plus fragmentées que les manifestations de 2002 contre le Front National, peuvent-elles réellement conduire à une radicalisation accrue et, par conséquent, à une violence politique plus importante ?

Olivier Vial : À l’origine, par exemple, Extinction Rebellion prônait la désobéissance civile non-violente, refusant même les actions de sabotage. Cependant, des universitaires comme Andreas Malm, notamment l’auteur suédois de « Comment saboter un pipeline », ont tenté de légitimer l’idée que la violence est le seul moyen de faire avancer les choses. En substance, Malm a voulu déconstruire le mythe selon lequel seules les actions non-violentes pouvaient être efficaces, rétablissant ainsi la violence comme un moyen d’action classique. Cela rappelle la matrice des années 70, lorsqu’un terroriste d’extrême-gauche considérait l’action directe comme un moyen efficace d’action.

Cette dynamique s’est effectivement développée, comme on l’a vu par exemple avec les Soulèvements de la terre. Ces mouvements ont permis à la gauche « classique », incluant des partis politiques et des syndicats traditionnels de faire cortège avec des groupes beaucoup plus radicaux, tels que les mouvements antifascistes, les Black Blocs et ceux proches de l’éco-terrorisme.
Tout cela a légitimé ces groupes. Lorsqu’on se demande si cela va devenir violent, il est pertinent de rappeler que les soulèvements de la terre ont publié, le 14 juin, un communiqué de presse très explicite appelant à un « soulèvement antifasciste ».
Ils mobilisent aujourd’hui un peu plus de 100 000 personnes, et lors de leurs actions, ils peuvent rassembler entre 5 000 et 7 000 individus pour des actions illégales contre les forces de l’ordre, démontrant ainsi une force de frappe considérable.

Ils estiment que le gouvernement Macron a préparé le terrain pour l’extrême-droite, accusant ce gouvernement de, je cite : « déployer une police radicalisée exerçant une violence sans borne, autorisée à mutiler en masse, et à laquelle il a été délivré un permis de tuer ». En tenant de tels propos, ils encouragent leurs militants à se préparer à un niveau de violence équivalent à celui qu’ils attribuent à la police. Ils mettent également en place des mesures de sécurité pour leurs militants.
En réalité, ils se positionnent dans une guerre fantasmée, ce qui leur permet de légitimer leur degré de violence. Ils vont même plus loin, annonçant des manifestations contre l’extrême-droite avant les élections, mais aussi des actions violentes et de blocages après les élections. Ils prévoient, dès le 8 juillet, des blocages ciblés et des prises de ronds-points partout en France, et en cas d’élection du RN, ils veulent empêcher que les Jeux Olympiques ne consacrent, sous le regard du monde, un gouvernement fasciste.
Ils ont déjà annoncé leur intention de multiplier les actions violentes pendant les Jeux Olympiques et d’organiser une résistance. Un grand rassemblement prévu le 16 juillet, initialement contre les mégabassines, est maintenant conçu comme un village de résistance contre les futurs gouvernements. Cette dynamique persistera, que ce soit sous un gouvernement du Rassemblement national ou un gouvernement technique.
 
Atlantico : Les mobilisations prévues en juillet contre l’extrême droite est-elle un signe que la violence politique pourrait s’intensifier, surtout parmi ceux qui n’ont pas encore été déçus par le système ? Comment percevez-vous cette situation par rapport aux précédents mouvements de protestation ?
Olivier Vial : Il existe deux risques susceptibles de favoriser une radicalisation et une augmentation de la violence. Premièrement, il y a une montée en puissance des thèmes radicaux. En effet, nous observons clairement une convergence croissante des combats dans tous les communiqués. Comparé aux manifestations de 2002 qui visaient principalement à contrer l’extrême droite et ses abus de pouvoir, la dernière manifestation a vu un cortège du Parti des Indigènes de la République dénonçant la colonisation des Blancs et mêlant des slogans confondant antisionisme et antisémitisme.
Il y avait une présence significative de partisans pro-Gaza, notamment une femme voilée sur le char du Parti des Indigènes de la République, incitant vigoureusement la foule à soutenir la résistance à Gaza. Des mouvements queers ont également manifesté en faveur de la Palestine, avec des figures de la gauche traditionnelle qui ont exploité ces éléments. Depuis le 14 juin, Caroline De Haas, une figure bien établie de la gauche «  mouvementiste  », orchestre le mobilisation des associations, des intellectuels et des influenceurs.

Un autre groupe, « On est prêt », organise également les influenceurs pour structurer les pousser à soutenir le Nouveau Front Populaire. Cette organisation est très structurée et les thématiques abordées sont plus radicales qu’en 2002, ce qui pourrait nourrir une escalade de la violence. Deuxièmement, la violence est aujourd’hui plus légitimée par une partie de la jeunesse qu’elle ne l’a jamais été.
Selon des sondages récents menés par l’Institut du Dialogue Civil, 32% des 18-30 ans estiment que des actions telles que l’occupation de bâtiments et le sabotage d’infrastructures sont légitimes. La combinaison de ces facteurs, une radicalisation croissante des thèmes qui amplifie la perception du danger et une acceptation accrue de la violence comme moyen d’action, pourrait alimenter une montée de la violence qui risque de devenir de plus en plus préoccupante.
 
Atlantico : En cas d’échec de projets d’infrastructure comme le projet autoroutier sur l’A69 par exemple, dans quelle mesure cela pourrait-il servir de catalyseur pour une mobilisation massive et une amplification du climat de tension politique en France ? Quels sont les scénarios envisageables en cas de majorité absolue ou de son absence ?

Olivier Vial : En cas d’échec de projets d’infrastructure majeurs comme l’autoroute A69, cela pourrait devenir un catalyseur significatif pour une mobilisation massive et une intensification du climat de tension politique en France. Les grands projets comme les méga-bassines sont devenus des points névralgiques de contestation, comme en témoigne le rassemblement prévu du 16 au 21 juillet dans le Poitou. Cette convergence pourrait coaliser une diversité de mouvements, avec le risque supplémentaire d’incorporer des acteurs étrangers, comme observé précédemment à Sainte-Soline.

Si de telles mobilisations devaient se cristalliser contre les futurs gouvernements, elles pourraient potentiellement accueillir des mouvements étrangers d’ailleurs en Europe (italiens, allemands ou espagnols) accentuant ainsi le niveau de radicalisation et de violence. Ce scénario souligne la possibilité d’une escalade de la violence influencée par des forces externes, renforçant ainsi les enjeux et les défis pour le maintien de l’ordre et la gestion des tensions politiques à l’intérieur du pays.