Partant du constat que l’échec scolaire, et notamment l’échec de l’apprentissage de la lecture, frappe beaucoup d’élèves issus de milieux défavorisés, Sandrine Garcia, sociologue et professeure de sciences de l’éducation à l’Université de Bourgogne Franche-Comté et Anne-Claudine Oller, sociologue et maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Paris-Est Créteil, ont enquêté sur les causes de cet échec et proposent des solutions pour réduire de manière significative les inégalités sociales de réussite scolaire dans leur livre Réapprendre à lire, De la querelle des méthodes à l’action pédagogique, paru aux éditions du Seuil.
L’analyse de l’histoire des méthodes de lecture faite ici montre que le courant issu de la linguistique qui s’est imposé dans l’institution scolaire depuis les années 70 a laissé des traces profondes qui mettent enseignants et élèves en difficulté.
Sous prétexte qu’elle ne correspondait à aucune fonction du langage (au nom des découvertes linguistiques sur les fonctions du langage) la lecture à voix haute a été dévalorisée, la méthode globale s’est substituée à la méthode explicite ou syllabique, l’aspect technique de l’apprentissage a été dénié et l’utilisation de textes littéraires issus de la littérature pour la jeunesse s’est imposée.
Malheureusement, ce sont les élèves des milieux populaires, parce qu’ils ont grandi dans un milieu où certaines aptitudes sont moins sollicitées, qui subissent le plus la dévalorisation des aspects techniques de l’apprentissage de la lecture. En effet, comment peuvent-ils apprendre à lire avec des textes compliqués comportant des tournures de phrases complexes et comment, sans faire de déchiffrage, peuvent-ils arriver à comprendre le sens d’un texte?
Les méthodes progressistes, censées lutter contre les inégalités sociales, les ont donc au contraire renforcées.
Dans le cadre d’une observation participante, les auteures ont suivi pendant trois années trois cohortes d’élèves de CP de deux écoles d’une ville moyenne. Après une année, elles ont constaté que malgré des enseignants très investis et la présence de deux professionnels du Rased (réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté), les résultats aux tests de lecture étaient décevants. La méthode de lecture utilisée par les enseignants, reposait en grande partie sur un système déductif (mots à deviner), des mots à mémoriser par cœur et des syllabes explicitement enseignées.
Elles ont donc recommandé d’utiliser une méthode explicite d’apprentissage du code (relations entre les graphèmes et les phonèmes, autrement dit les lettres et les sons) et d’investir plus de temps dans l’entraînement.
Quatre actions ont ainsi composé le dispositif:
• Initiation au décodage (déchiffrement) en grande section de maternelle.
• Choix d’un manuel d’apprentissage explicite de la lecture.
• Ateliers de renforcement de la lecture pour les élèves en difficulté, mis en place dès le milieu du premier trimestre et consistant en entraînements intensifs au décodage et à l’encodage (écriture) par petits groupes de 3 élèves sur 45 minutes. Le temps de lecture et d’écriture par élève étant ainsi plus important que lorsque sur ces 45 minutes, il y a 25 élèves à faire lire et écrire.
• Coopération avec les parents des élèves en difficulté qui s’engagent à compléter cet entraînement le soir à la maison et pendant les vacances par le biais de fiches de travail et d’indications précises.
Selon un test de lecture effectué en début de CE1 les élèves du dispositif ont lu correctement presque deux fois plus de mots par minute que les élèves hors dispositif.
Des élèves de milieu très populaire ont ainsi obtenu de meilleurs résultats que des élèves plus dotés socialement et dont l’apprentissage de la lecture n’était ni explicite, ni systématique.
Ce dispositif présente des avantages à la fois pour les élèves et les enseignants.
• Il permet d’aborder les difficultés au moment de leur apparition, avant qu’elles ne se cristallisent.
• Il ne met pas les élèves en difficulté encore plus en retard par rapport au reste de la classe puisqu’ils travaillent tous la même chose (même graphème, même page de manuel), mais c’est le temps d’entraînement par élève qui est supérieur.
• Il se fait sur le temps de classe et n’ajoute donc pas d’heures supplémentaires à des journées déjà longues.
• Il n’attribue pas les échecs scolaires à des problèmes psychologiques ou médicaux qui peuvent conduire à un évitement du travail scolaire et donc à un renforcement des inégalités, mais simplement à des désavantages culturels et sociaux.
• En ne différenciant pas les objectifs, il n’alourdit pas le travail des enseignants.
La conclusion s’impose d’elle-même: il n’y a pas de fatalité sociale de l’échec, pourvu qu’on utilise les bonnes méthodes.
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