Extinction Rebellion a annoncé la suspension de ses opérations de blocage de l’espace public au Royaume-Uni. En France, les actions se poursuivent. Après Matignon et Bercy, le ministère de la Transition écologique a été à son tour aspergé de peinture orange, ce vendredi, par des militants écologistes du collectif « Dernière rénovation ». Chronique publiée le 8 janvier sur le site Atlantico.
« Les bénéfices ça se divise, la réclusion ça s’additionne, » rappelle Jean Gabin dans Le cave se rebiffe. C’est, sans doute, un raisonnement similaire qui a conduit le 1er janvier Extinction Rebellion à suspendre ses actions de blocage de l’espace public en Angleterre. L’image de militants enchaînés au milieu des routes et des ponts de Londres avait permis à l’organisation de se faire mondialement connaître en 2018. Mais la répétition lasse, et à l’engouement médiatique suscité par les premières opérations a succédé un désintérêt et une impression de déjà vu. Les retombées presse diminuaient au fil du temps, d’autant que les journalistes découvraient d’autres collectifs comme Stop Oil qui, pour attirer l’attention, n’hésitaient pas à se lancer dans des opérations très « innovantes » comme le jet de soupe sur chefs-d’œuvre de la peinture classique.
Si les bénéfices médiatiques diminuaient, les risques judiciaires quant à eux s’envolaient. En novembre 2021, plusieurs membres de l’association anglaise Insulate Britain ont été condamnés à de la prison ferme suite à une action de blocage. L’un d’entre eux a même écopé de 6 mois d’incarcération, la juge estimant que ses propos étaient « incendiaires »et s’apparentaient à un « appel aux armes ». En octobre dernier, la nouvelle ministre de l’Intérieur britannique Suella Braverman est allée encore plus loin, qualifiant ce genre d’actions « d’actes de guérilla ». Pour donner aux forces de l’ordre les moyens de lutter efficacement contre ces menaces, elle a souhaité que la police puisse prendre des mesures « proactives ». Une nouvelle loi a ainsi été adoptée pour « renforcer la sécurité des réseaux de transports, les terminaux pétroliers et les imprimeries »et protéger « les infrastructures nationales capitales ou l’accès aux biens et services essentiels » des intrusions de ces activistes. La fermeté de l’exécutif et de la justice explique au moins partiellement la décision d’Extinction Rebellion.
De notre côté de la Manche, la situation n’est pas la même. Si le collectif Dernière rénovation avait dès le 14 décembre annoncé une trêve dans ses actions de bocages des routes, ce n’est pas le cas des « rebelles » français qui ont annoncé poursuivre leurs actions sans rien s’interdire. Il est vrai qu’en France les deux termes de l’équation n’évoluent pas aussi rapidement qu’en Angleterre. La lassitude de la presse et de l’opinion publique y est aussi forte. Les actions de Dernière rénovation, après avoir fait la une des JT, avaient fini ici aussi par ne plus susciter que quelques posts sur des blogs militants. Mais en changeant de méthode et en pulvérisant de la peinture orange sur Matignon ou Bercy, les militants ont réussi à rallumer l’intérêt que leur portaient les médias. L’une de leurs dernières vidéos postées sur twitter a été vue par plus d’un million de personnes en moins de 24 heures.
La véritable différence entre nos deux pays tient essentiellement à la réponse judiciaire. En France, aucune peine ferme n’a été prononcée à ce jour pour des actions de blocage. Par exemple, la jeune Alizée qui avait interrompu la demi-finale du tournoi de tennis de Roland Garros en s’attachant par le cou au filet central, tout cela devant les caméras du monde entier, n’a écopé que d’un simple rappel à la loi. Même elle s’est dite surprise de tant de mansuétude de la part de la justice française. Ce sentiment d’impunité ne peut qu’encourager les vocations.
Dans quelques mois, la France accueillera les Jeux Olympiques. Cet évènement est à haut risque, car il est pour chaque collectif militant une formidable opportunité de se faire remarquer et d’attirer l’attention sur les causes qu’ils défendent. Si le gouvernement a bien perçu ce risque, c’est d’une main hésitante qu’il tente de le prévenir. Le 22 décembre, la ministre des Sports aainsi présenté un « projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Dans ce texte qui sera débattu en première lecture au Sénat à partir du 24 janvier, les activistes ne sont même pas nommément visés. Il envisage seulement de renforcer les sanctions en proposant de créer deux nouveaux délits en cas d’intrusion dans un stade, un court ou un gymnase, pendant et après les Jeux Olympiques. S’il est commis en récidive ou en réunion, « le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive » lors d’une compétition pourrait être puni de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, prévoit l’article 12 du projet de loi. Quant au fait de « pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive », il n’est punissable (d’une simple amende de 7 500 euros) qu’en cas de récidive ou de réunion. Une somme bien modeste pour toucher une audience de plusieurs millions de personnes. Le Conseil d’État a estimé que prononcer une peine de prison pour ce type d’agissement serait disproportionné. Sic !
Voilà pourquoi, en France à la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni, les activistes ne sont pas prêts de renoncer aux actions de blocages. Au contraire, cela risque même de devenir une épreuve très courue lors des prochains Jeux Olympiques de Paris.
Par Olivier Vial
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