FIGAROVOX/TRIBUNE – Alors que deux policiers ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions ces dernières semaines, Olivier Vial, président de l’UNI et Directeur du CERU, s’inquiète de la caution morale et scientifique qu’apportent certains universitaires à la haine contre les forces de l’ordre.
Tribune parue dans Le Figaro Vox, le 11 mai 2021
En 2016, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, deux policiers avaient été poignardés et égorgés par un islamiste, sous les yeux de leur enfant de 3 ans, chez eux à Magnanville. Moins de 5 ans après, le 23 avril 2021, Stéphanie Montfermé est assassinée en plein commissariat à Rambouillet. Comment expliquer qu’après chacun de ces drames, des messages «anti-police» fleurissent sur les murs de nos villes, de nos lycées et de nos universités sans jamais qu’aucune poursuite sérieuse ne soit engagée contre leurs auteurs. Bien conscients de cette impunité, certains ont profité de la manifestation parisienne du 1er mai, pour aller encore plus loin dans l’ignominie et taguer en plein jour cet appel aux meurtres : « ACAB, Magnanville partout» [1]!
Quelques jours plus tard, un autre policier, Éric Masson, est abattu en pleine rue à Avignon. Les attaques se multiplient. La violence se banalise. La haine anti-flic se répand. L’année dernière, 8.719 policiers et gendarmes ont été blessés en mission, 11 sont décédés d’après l’Office national de la délinquance. Pour le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la Police nationale, David Le Bars, on «assiste à une désinhibition de cette haine» qui participe d’une véritable «œuvre de destruction de nos institutions.» Les militants d’extrême gauche ne sont, malheureusement, pas les seuls responsables. Ce travail de sape, cette fabrique de la rancœur et du ressentiment contre les forces de l’ordre n’aurait pas été aussi rapide sans la caution que lui a apportée une partie de l’université. Depuis des années, des universitaires s’emploient à donner un vernis «scientifique» à tout ce qui peut discréditer les forces de l’ordre. Les revues scientifiques, les amphis sont ainsi devenus les vecteurs de cette entreprise de démolition.
S’inscrivant dans la continuité des travaux de Michel Foucault, des enseignants-chercheurs défendent l’idée que l’objectif de la police n’est pas de protéger la société des criminels, «mais de désigner l’ennemi intérieur» et «d’entretenir les oppressions de classes, de race et de genre.»[2] Pour Elsa Dorlin, par exemple, professeur de philosophie à l’université Paris 8, «La police n’a pas tant pour vocation de maintenir l’ordre social en régulant la conflictualité, que de garantir la sécurité du Capital, c’est-à-dire de l’État, de l’Empire»[3]. Une police instrumentalisée, partiale, et bien sûr raciste… Voilà le tableau bien caricatural qu’ils tentent d’imposer. Pour cela, toutes les théories du moment (études de genres, décolonialisme, racialisme) sont mobilisées. Fabien Jobard, chercheur au CNRS, ou encore Éric Fassin, le très médiatique professeur de sociologie, martèlent que le «racisme est systémique» dans la police et que c’est lui qui guide les actions de ses membres.
Quant au philosophe Geoffroy de Lagasnerie, la nouvelle coqueluche de l’ultragauche et du comité «Justice pour Adama», il va jusqu’à prétendre que «la police ne sert pas d’abord à appliquer la loi, mais à éliminer des groupes sociaux», ajoutant même que «la police a aujourd’hui dans notre société, un rôle relatif à la sélection scolaire, c’est-à-dire qu’elle exfiltre un certain nombre d’individus, notamment noirs et arabes, du système scolaire pour les amener dans le système pénal et carcéral.»[4] Voilà de quoi renforcer le ressentiment victimaire d’une partie de la société.
Même le combat «féministe» vient nourrir l’accusation. Une douzaine d’universitaires, dont Françoise Vergès, Isabelle Stengers, Emilie Hache, Nacira Guenif, Paul B. Preciado, ont publié une pétition[5] pour dénoncer la répression d’État exercée par la police contre ceux qui luttent contre les «oppressions systémiques». Ils affirment avec toute la nuance dont ils savent faire preuve : «nous avons peur de la police. Parce que ses marges de manœuvre semblent sans limites, y compris celles de nous humilier, de nous violer, de nous tuer.»
Du haut de leurs chaires, ces universitaires prêchent plus qu’ils n’enseignent. Leurs titres universitaires sont des armes qu’ils utilisent pour légitimer leurs théories même les plus radicales et discréditer ceux qui les contestent. Ce matraquage finit par produire ses effets délétères. Ainsi, une enquête réalisée en novembre dernier par l’Ifop pour le magazine Marianne montre que désormais 60 % des 18-30 ans s’inquiètent de la montée des «violences policières». Ce pourcentage augmente avec le niveau d’études. Il n’est que de 55 % pour les jeunes sans diplômes et atteint 65 % pour les bac + 2. Quant au «racisme d’État», 41 % des jeunes souscrivent désormais à cette thèse contre 30 % pour l’ensemble des Français.
Derrière ce travail de «déconstruction» de la police, on retrouve l’objectif porté depuis des décennies par l’ultragauche visant à abolir la police. Ce n’est désormais plus un fantasme de militants. Comme le soulignent Joël Charbit, Gwenola Ricordeau et Shaïn Morisse, «des universitaires et des chercheurs défendent l’abolition de la police à travers des pétitions, mais aussi une importante production théorique.»[6] Ils suivent pour cela la stratégie popularisée depuis 2010 aux USA par le mouvement Black Lives Matter. Celle-ci se déploie en trois étapes : «Disempower, disarm, disband» (affaiblir, désarmer, dissoudre). Affaiblir, toutes les études visant à discréditer et à entretenir la défiance vis-à-vis des forces de l’ordre concourent à cela. Désarmer, c’est le travail d’influence et de pression exercé, avec succès, par les associations pour interdire certaines techniques d’interpellation ou certaines armes, comme les LBD. Dissoudre, c’est l’objectif final. Abolir la police pour rétablir «l’auto-défense». Une défense organisée au sein des communautés et débarrassée de la tutelle de l’État. Là encore, ce vieux rêve anarchiste est désormais revendiqué par une partie de nos universitaires.
Elsa Dorlin rappelle, par exemple, que «les groupes sociaux minoritaires, discriminés, dominés (…) ne peuvent tout simplement pas se tourner vers la police.» (…) «Leurs déclarations, appels et plaintes n’étant pas pris en compte. Ou bien, parce qu’ils seront instrumentalisés. De façon paradigmatique, le sexisme ou les violences faites aux femmes trouvent une écoute attentive dès lors qu’elles participent à la criminalisation des groupes racisés, renforçant par là le racisme systémique.»[7] Autrement dit, si les femmes ne veulent pas devenir les complices d’un racisme d’État, elles ne doivent pas en cas d’agression se tourner vers la police, mais organiser leur auto-défense. Chaque groupe, chaque minorité sont ainsi invités à trouver les moyens de «se défendre.»
Toutes ces théories sont, en réalité, de véritables bombes incendiaires, dont l’objectif assumé est de détruire, pardon, déconstruire nos institutions, au premier rang desquelles notre police. Difficile d’accepter qu’elles se développent grâce à l’argent des contribuables qui finance les recherches et les salaires de ces universitaires.
[1] ACAB – All Cops Are Bastards – Tous les flics sont des bâtards
[2] «Peut-on abolir la police ? La question fait débat aux États-Unis», article publié sur le site The Conversation, 14 juin 2020
[3] «Que faire de la police», Ballast, 2020/2 – n°10 pp 54-83
[4] Interview accordée au site regards.fr, le 2 avril 2019
[5] https://bourrasque-info.org/spip.php?article1940
[6] «Peut-on abolir la police ? La question fait débat aux États-Unis», article publié sur le site The Conversation, 14 juin 2020
[7] «Que faire de la police», Ballast, 2020/2 – n°10 pp 54-83
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