Le rapport de la Cour des Comptes sur l’évaluation de l’Education nationale « pour améliorer sa performance » publié le 20 février, reproche le manque de capacité de l’Etat à évaluer les performances du système éducatif français et appelle à une rupture complète avec la culture de l’institution scolaire. Le premier président de l’instance, Didier Migaud, invite l’Education nationale à réorganiser son évaluation et à mettre en place une batterie de tests automatisés de type américain. Pilotés par une nouvelle institution à créer, ils seraient susceptibles d’évaluer les performances du système éducatif, des élèves et des enseignants.
« L’évaluation constitue pour l’Éducation nationale, peut-être plus encore que pour tout autre service public, un impératif. L’école a pour mission première la transmission des connaissances. Aussi la mesure des connaissances transmises est consubstantielle à sa mission, inhérente à l’acte d’enseigner comme cette mesure est indispensable à l’évaluation du fonctionnement et des performances du service public de l’éducation », estime la Cour.
« Bien que de très nombreux dispositifs d’évaluation soient à l’oeuvre dans le système éducatif, l’Etat s’avère, en fin de compte, inapte à produire une vision collective de la performance de ce système », a fait savoir Didier Migaud devant le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale.
La Cour reconnait toutefois la solidité des évaluations du Cedre réalisées par la Depp, mais elle déplore qu’il faille 5 ans pour avoir une évaluation dans toutes les disciplines. Et elle salue la mise en place de l’évaluation de 6ème depuis 2015 et son extension à tous les élèves depuis 2017. Mais selon elle, ces évaluations sont trop partielles et une multiplication d’initiatives nuit à la cohésion générale.
La Cour des comptes souligne aussi le manque de moyens humains et financiers pour réaliser ces évaluations. De 2000 à 2017, les crédits dédiés à cet objectif ont toujours été inférieurs à cinq millions d’euros par an, dans un budget global de 70 milliards d’euros en 2018. Didier Migaud estime de plus que l’évaluation des acquis par des examens comme le baccalauréat ne suffit plus pour juger de l’efficacité du système français.
Il pointe enfin des « freins culturels et administratifs » face au recueil de données sur les résultats des élèves par crainte que ces informations ne nourrissent les évaluations des enseignants et établissements.
Didier Migaud appelle à « mesurer systématiquement le niveau des élèves durant la scolarité » et à publier de façon régulière un rapport sur la performance du système scolaire, « sorte de Pisa (Programme for International Student Assessment) à la française ».
« Le déploiement actuel des technologies numériques dans les établissements scolaires et les progrès réalisés par les tests standardisés, rendent possible la généralisation de contrôles réguliers des connaissances et compétences acquises, pour un coût raisonnable car fortement dégressif. La généralisation des tests de compétences en classe de sixième à la rentrée 2017 ouvre cette voie. Grâce à un dispositif étendu d’évaluation des acquis des élèves, il serait non seulement possible de mesurer une performance collective, mais de décliner des données agrégées par équipes éducatives, par établissements, par dispositifs pédagogiques ».
Suppression du CNESCO et création d’une nouvelle instance
La Cour attaque frontalement le mode de fonctionnement du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) et invite à le supprimer.
Elle recommande de créer une nouvelle instance et un nouveau système. « Il serait possible de construire un système cohérent, crédible et efficace d’évaluation à condition de lui fixer, au moins dans un premier temps, une cible prioritaire et de concevoir les instruments à cet effet. Un consensus pourrait se dégager pour estimer comme condition première et nécessaire à l’évaluation du système éducatif, la mesure du degré de maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui clôt la scolarité obligatoire », écrit la Cour.
Evaluation des élèves mais aussi des enseignants
Ce nouvel organisme indépendant publierait un rapport annuel sur la performance du système éducatif. Il mettrait en place des batteries de tests d’abord à chaque entrée et fin de cycles puis à l’entrée et à la fin de chaque année pour évaluer les élèves mais aussi les enseignants. Car la Cour s’attaque aussi à l’évaluation des enseignants. Elle a calculé que le nombre d’inspections d’un enseignant est en moyenne de 5 soit une tous les 7 ans (5 ans au primaire). Surtout, l’évaluation n’est pas assez liée à la carrière et « le critère de l’ancienneté demeure très prégnant », estime la Cour.
Le projet du ministère prévoit que les propositions annuelles de promotion à la hors-classe seront basées sur un barème fondé sur deux éléments, d’une part l’appréciation finale d’un rendez-vous de carrière de l’enseignant, d’autre part le nombre d’années de présence de l’enseignant dans la plage d’appel statutaire à la hors-classe.
La Cour s’appuie sur les systèmes existant aux Etats Unis et au Luxembourg où le « teaching for the test » est pratique courante. Ces idées ne sont toutefois pas neuves. La mise en place d’évaluations tests a commencé aux Etats-Unis dans les années 1960. Elle est devenue un système liant évaluation des élèves, des écoles et des enseignants avec la loi « No Child Left Behind », en 2002.
Avec ce type d’évaluation, l’encadrement des enseignants serait plus strict et plus hiérarchisé. L’idée qui prévaut est l’évaluation par les résultats. En imposant des normes et en vérifiant leur application, le but est d’améliorer le système éducatif.
Repères
Pour la rentrée 2016, plus de 12 millions d’élèves ont été scolarisés en France, dont 6 806 624 dans le premier degré et 5 579 354 dans le second degré.
Pour cette même rentrée, le système scolaire a recensé 874 800 enseignants, tous secteurs confondus.
Les lois du 24 avril 2005 et celle du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école ont déterminé des objectifs quantifiés fixant à 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat et à 100% d’une classe d’âge ayant acquis le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
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