CERU

Par Olivier Vial

Le 15 décembre 2024 à 11h52

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Tribune parue dans le JDD le 14 décembre, d’Olivier Vial, directeur du CERU, auteur de « Détrans, les Cassandre de la communauté trans »  

« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans… » Et pourtant, si l’on suit les préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS), on pourrait, dès 16 ans, décider de s’engager dans un long parcours de transition de genre, allant du changement d’identité sociale à la prise de lourds traitements hormonaux, en passant par des opérations chirurgicales dont les conséquences sont irréversibles.

Cet avis, rédigé par un comité anonyme, dont l’autorité administrative refuse de révéler les noms et les qualités des personnes qui le composent malgré un recours juridique[1], s’inscrit dans la lignée des thèses portées depuis plusieurs décennies par les mouvements activistes les plus radicaux. Pour eux, le ressenti est désormais la seule vérité que l’on doit prendre en compte. La biologie, l’anatomie sont passées par pertes et profits. Si une personne doute de son identité sexuelle, si elle ressent à un moment donné l’envie de transitionner vers un autre genre, rien ne doit venir ralentir la concrétisation de son ressenti. Les appels à la réflexion ou à la prudence sont immédiatement perçus comme de la violence. Ainsi, la HAS enjoint les médecins qui accueillent les personnes souhaitant transitionner à se contenter d’enregistrer leur souhait sans tenter de proposer une évaluation ou un accompagnement médical : « L’identité de genre ne doit pas faire l’objet d’une évaluation psychiatrique spécifique »[2]Pour les auteurs de ce rapport, tout doit être fait pour simplifier et accélérer les transitions de genre. Ils souhaitent ainsi créer un véritable service public gratuit et rapide offrant un accès facilité aux traitements hormonaux (bloqueurs de puberté, « hormones d’affirmation de genre »), ainsi qu’aux opérations chirurgicales (mastectomie, vaginoplastie, phalloplastie…).  

L’engrenage des transitions précoces

S’interroger sur le bien-fondé à moyen terme d’un tel processus est condamné par les associations transactivistes qui voient, derrière tout appel à la réflexion, un signe de transphobie. Ainsi, de manière outrancière, la HAS envisage que les parents soient déchus de leur autorité parentale s’ils refusent la demande de leur enfant mineur. « Si les parents persistaient à refuser la demande de leur enfant », en effet, dans une telle hypothèse, la HAS préconise alors « un signalement pouvant aller jusqu’à une délégation partielle d’autorité parentale » voire « une déchéance de l’autorité parentale ou une émancipation » »[3].  

Cette précipitation est incompréhensible et néfaste, car, comme l’ont démontré de nombreuses études médicales, chez l’enfant et l’adolescent, la dysphorie de genre peut être un état transitoire. « Selon les études longitudinales faites chez les enfants prépubères (principalement des garçons) adressés à des services spécialisés pour une évaluation de dysphorie de genre, on n’en retrouve la persistance à l’âge adulte que pour 6 à 23 % des sujets »[4]. Pour de nombreuses personnes qui s’identifient précocement comme dysphoriques de genre, on constate qu’avec le temps elles avaient simplement du mal à comprendre leur orientation sexuelle naissante et qu’au fil du temps, elles se définissent simplement comme homosexuelles et non plus comme transgenres.  

Mais attention, si plus de 80 % des cas de dysphorie de genre disparaissent avec le temps, ce n’est plus le cas dès lors qu’une démarche de transition a débuté. Ainsi, par exemple, le Dr de Vries, qui dirige le Centre d’expertise sur la dysphorie de genre du centre médical universitaire d’Amsterdam (CEDH), rappelle que parmi les adolescents qui ont commencé la prise de bloqueurs de puberté, seulement 1,9 % ont interrompu leur traitement. Ils sont alors pris dans un véritable engrenage dont ils ont du mal à s’extraire avant la fin de la transition. En avril 2024, le rapport rédigé par le Dr Cass pour le compte du système de santé anglais souligne que même la première étape, qui aujourd’hui se banalise[5], de transition sociale (changement de prénoms, de pronom, de style vestimentaire…) ne devrait pas se faire sans un avis médical, car c’est un sas d’accélération vers les transitions médicales. 

Le rapport du Dr Cass va à l’encontre des recommandations de la HAS

Ce rapport Cass est le travail le plus exhaustif et sérieux qui existe sur la question. Il a débuté en 2020 et s’appuie sur une revue de l’ensemble des publications scientifiques et médicales sur le sujet. Ses conclusions sont à l’inverse de celles de notre Haute Autorité de Santé. Le rapport Cass tire, par exemple, la sonnette d’alarme sur l’usage des bloqueurs de puberté, qui ont des conséquences sur la fragilité des os, sans qu’il soit démontré que cela améliore le quotidien des patients.  

Pour avoir publié cette étude, le Dr Cass a été menacé de mort. Dans le monde manichéen dans lequel nous entraînent les militants transactivistes, le moindre doute, la moindre remise en cause suscite systématiquement des réactions violentes. Ils veulent nous faire croire que ceux qui s’opposent à eux sont forcément de dangereux réactionnaires, des membres d’une internationale conservatrice. 

Or, les avertissements et les remises en cause des transitions précoces viennent surtout des pays pionniers dans les transitions de genre. Ce sont des médecins, des chirurgiens, des psychiatres qui ont, durant des années, accompagné des patients et pratiqué des transitions, qui aujourd’hui nous appellent à plus de prudence, voire à interdire la prise d’hormones avant 18 ans. Ainsi, le Pr Mickael Landen, l’un des pionniers suédois et des plus grands spécialistes de ces questions, s’inquiète désormais de l’explosion du nombre de cas qui se présente et du profil toujours plus jeune des patients. En Suède, entre 2010 et 2018, le nombre de cas a explosé de 2 345 % et de 2 600 % au Royaume-Uni.  

Ce dernier pays a, dès 2021, adopté un moratoire sur l’usage des hormones pour les mineurs à la suite d’une bataille judiciaire. Là encore, ce ne sont pas des mouvements conservateurs qui ont attaqué l’État et le principal centre réalisant des opérations de transitions de genre. C’est Keira Bell, une jeune femme qui a suivi le protocole de cette clinique et, dès 14 ans, a entrepris une transition de genre : d’abord des bloqueurs de puberté, puis, à 17 ans, une prise de testostérone avant de subir une double mastectomie. À 23 ans, elle a attaqué l’hôpital et l’État pour ne pas l’avoir suffisamment prévenue des risques et des effets secondaires de cette procédure. Elle est malheureusement loin d’être la seule. Une association Post-trans s’est même constituée. Elle rassemble des personnes qui regrettent les opérations qu’elles ont subies et ont entrepris des opérations plus ou moins complètes de détransition. Beaucoup estiment ne pas avoir été suffisamment prévenues et ne pas avoir eu assez de temps de réflexion. Deux choses que s’apprête à leur refuser la Haute Autorité de Santé française.  

La théorie du genre s’impose devant la médecine

Combien de personnes ayant transitionné regrettent-elles leur choix ? Impossible de le savoir précisément. Le Dr Cass avait demandé, dans le cadre de son étude, à avoir les chiffres des hôpitaux anglais. Ces derniers ont refusé. En 2017 déjà, James Capian, un psychothérapeute qui suivait depuis plus de 10 ans des personnes trans, a souhaité consacrer une étude au phénomène de la « détransition ». Son université, l’université de Bath Spa, a rejeté sa demande au motif qu’elle pouvait être perçue comme « politiquement incorrecte ». « Le comité d’éthique de l’établissement craignait que cela déclenche des polémiques sur les réseaux sociaux et nuise à la réputation de l’Université »[6].

Par peur d’être accusé de transphobie ou d’homophobie, de nombreuses mises en garde sont ainsi passées sous silence. La théorie du genre, qui existe bel et bien, y compris dans certains programmes scolaires, comme l’a courageusement rappelé Alexandre Portier[7], finit ainsi par supplanter la science et la médecine. À l’inverse des recommandations de la HAS, un moratoire sur les transitions de genre, comme l’ont fait avant nous l’Angleterre et la Suède, s’impose si nous ne voulons pas utiliser de jeunes mineurs comme cobayes de thérapies médicales dont on connaît désormais les risques.


[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/transition-de-genre-la-justice-demande-a-la-haute-autorite-de-sante-de-devoiler-les-noms-de-ses-experts-20240227

[2] Extrait du rapport, cité par Paul Sugy dans le Figaro https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-haute-autorite-de-sante-veut-un-acces-gratuit-a-la-transition-de-genre-pour-tous-a-partir-de-16-ans-20241212

[3] Ibid.

[4] Standards de soin pour la santé des personnes transsexuelles, transgenre et de genre non conforme (2012), The World Professional Association for transgender Health, p. 12.

[5] Une circulaire de Jean-Michel Blanquer l’autorise même à l’école.

[6] https://www.ceru.fr/detrans-les-cassandre-de-la-communaute-trans/

[7] Le ministre démissionnaire à la réussite éducative. https://www.ceru.fr/non-madame-le-ministre-la-theorie-du-genre-nest-pas-une-fake-news/

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