L’attentat à Mulhouse du 22 février 2025 doit conduire, de manière urgente, à modifier le cadre juridique de l’usage de leurs armes par les policiers municipaux.
LES 5 CAS D’USAGE LÉGITIME DE LEURS ARMES PAR LA POLICE NATIONALE ET LA GENDARMERIE
Pour rappel, l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, prévoit les cinq cas dans lesquels les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent légitimement faire usage de leur arme « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».
LE PREMIER CAS, LA LÉGITIME DÉFENSE, SEUL CAS OUVERT AUX POLICIERS MUNICIPAUX
Le premier cas est réalisé « lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui » et correspond, en réalité, à une situation classique de légitime défense au sens de l’article 122-5 du Code pénal. C’est le seul cas dans lequel un policier municipal peut faire usage de son arme.
LES DEUXIÈME, TROISIÈME ET QUATRIÈME CAS, LES TIRS APRÈS SOMMATIONS
Le deuxième cas d’usage est applicable lorsque, « après deux sommations faites à haute voix », les membres des forces de l’ordre « ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ».
Les troisième et quatrième cas sont relatifs à l’arrêt d’un fugitif. Il permet l’usage des armes, « lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui » (3e cas) et « lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui » (4e cas).
LE CINQUIÈME CAS, LE «PÉRIPLE MEURTRIER»
Enfin, le cinquième cas est relatif à la situation du « périple meurtrier ». Il autorise l’usage des armes, « dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes ».
L’attentat de Mulhouse correspond sans conteste à ce dernier cas : l’assaillant armé d’un couteau et d’un tournevis a blessé grièvement deux agents du stationnement de la mairie. Il a ensuite poignardé mortellement un passant, un Portugais âgé de 69 ans. Alors qu’il s’enfuyait, il a été pris en chasse par des policiers municipaux. Précisément à ce moment, toutes les conditions du 5ème cas visé par l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure sont réunies sans aucune discussion possible : il fallait, coûte que coûte, empêcher la réitération dans un temps très rapproché des meurtres et tentatives de meurtre. Les policiers disposaient à ce moment-là de raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable : l’assaillant venait de poignarder trois personnes au cri de « Allah Akbar » et courrait dans les rues fréquentées de la ville.
Pourtant, les policiers municipaux n’avaient pas le droit de faire usage de leur arme. D’où la vidéo qui circule où l’on peut voir un policier municipal qui se porte à la hauteur de l’assaillant et…. fait usage de sa bombe lacrymogène… Fort heureusement, il est rejoint par ses collègues qui parviennent à le maîtriser, au prix de cinq blessés parmi eux.
Disons le clairement : le législateur aurait porté une lourde responsabilité si l’un des policiers était mort pendant cette intervention.
En effet, la question de la police municipale a été discutée lors de l’adoption de la loi du 28 février 2017. Mais l’Assemblée nationale s’y est opposée, notamment en raison de l’absence de corps d’inspection de la police municipale et l’absence d’une coordination suffisante avec les forces de police et de gendarmerie (Rapp. AN n° 4431, 1er févr. 2017, p. 80). Les arguments ne sont pas dirimants, ils négligent le fait que tous les cas envisagés par l’article L. 435-1 sont des situations d’urgence absolue dans lesquelles il faudra rapporter la preuve de l’exposition de soi-même ou d’autrui à un risque de mort ou d’atteinte à l’intégrité physique. Outre le 5ème cas bien sûr, dans les 3ème et 4ème cas, l’exigence apparaît clairement (personnes « qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui »). Même dans le 2ème cas, un tel risque est sous-jacent. Il faut bien comprendre qu’actuellement, les policiers municipaux ne doivent pas riposter, et donc fuir, en cas d’attaque de leur poste.
En outre, lors de l’intervention des policiers municipaux à Mulhouse, les conditions de la légitime défense n’étaient pas réunies : l’assaillant s’enfuyait, excluant l’actualité du péril et l’exigence de la nécessité d’une riposte immédiate.
Toutes les autorités compétentes sont unanimes pour dire que le risque d’attentat islamiste est maximal en ce moment. Il y a donc urgence à modifier la loi du 28 février 2017 afin d’étendre le cadre de l’usage de leurs armes aux policiers municipaux.
Proposition de nouvelle rédaction de l’article L. 511-5-1 du code de la sécurité intérieure :
« Les agents de police municipale autorisés à porter une arme selon les modalités définies à l’article L. 511-5 peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues à l’article L. 435-1 ».