Chronique parue dans Atlantico, le 3 avril. Retrouvez toutes mes tribunes dans ce média.
Après les cocktails Molotov et les tirs de mortiers, les forces de l’ordre subissent depuis une semaine un assaut coordonné visant à les discréditer : accusations de « violences policières », polémiques sur de prétendues interdictions empêchant les secours de prendre en charge les activistes blessés à Sainte-Soline, pétitions demandant la dissolution des BRAV-M, tribunes de personnalités en soutien aux Soulèvements de la terre… Partout, l’extrême gauche pousse son avantage et souffle sur les braises pour s’attaquer à la réputation de la police. Décrédibiliser l’institution, la couper de l’opinion publique, pousser une partie des Français à s’en désolidariser, voilà sa feuille de route. Ce travail de sape visant à « déconstruire » notre rapport à l’ordre et à la police s’appuie sur les travaux d’universitaires. Une caution qui semble légitimer tous les excès.
France Culture, Télérama et Reporterre se sont récemment empressés d’interviewer Paul Rocher, auteur en 2022 de Que fait la police ? et Comment s’en passer[1] et, en 2019, de Gazer, mutiler, soumettre, Politique de l’arme non létale[2]. Pour l’auteur, la mission principale de la police n’est pas tant de lutter contre la délinquance, que d’assurer la survie du système capitaliste. Selon lui, la violence serait intrinsèque à cette mission et ne résulterait donc pas de « bavures » ou de comportements individuels condamnables, mais plutôt d’un système conçu et organisé pour soumettre ceux qui s’opposent à l’État et au capital. Ainsi, dans le milieu universitaire, l’idée se propage que l’objectif de la police ne serait pas de protéger la société des criminels, « mais de désigner l’ennemi intérieur […] et d’entretenir les oppressions de classes, de race et de genre »[3]. Elsa Dorlin, professeur de philosophie à l’université Paris 8, enfonce le clou en déclarant : « la police n’a pas tant pour vocation de maintenir l’ordre social en régulant la conflictualité, que de garantir la sécurité du Capital, c’est-à-dire de l’État, de l’Empire »[4].
L’offensive est lancée. Pour instruire le procès de la police, la sociologie critique est appelée à la barre. Il s’agit de prouver que l’accusée est structurellement « raciste » et « sexiste ». Éric Fassin, le très médiatique professeur de sociologie, martèle depuis des années que le « racisme est systémique » dans la police et qu’il guide les actions de ses membres. Il ira même jusqu’à publier en 2020 les résultats de ses travaux sous forme de bande dessinée[5] pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Quant à Paul Rocher, il affirme que « le racisme […] devient une routine, une habitude considérée comme allant de soi. Il est bien plus effectif dans les pratiques de socialisation des policiers que la formation et la réglementation formelle »[6]. Sic !
Ce type de procès en sorcellerie ne supporte pas la nuance. Pour ajouter le sexisme au chef d’inculpation, une douzaine d’universitaires, dont Françoise Vergès, Isabelle Stengers, Emilie Hache, Nacira Guenif, Paul B. Preciado, sont allés jusqu’à dénoncer la répression d’État exercée par la police contre ceux qui luttent contre les « oppressions systémiques », déclarant dans le texte d’une pétition : « Nous avons peur de la police. Parce que ses marges de manœuvre semblent sans limites, y compris celles de nous humilier, de nous violer, de nous tuer »[7]. À ces charges déjà très corsées, Paul Rocher ose ajouter le concept « d’extorsion sexuelle policière », une notion qui, écrit-il, « a été forgée pour désigner les situations, suffisamment nombreuses pour qu’on leur dédie un terme scientifique, où la police intimide des femmes à travers des « mensonges et demi-vérités pour obtenir des rapports sexuels en échange de leur liberté »[8].
Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ! L’auteur de Que fait la police ? ne s’embarrassant ni de nuance, ni de précaution scientifique, ajoute « qu’environ 40 % des familles de policiers aux Etats-Unis sont victimes de violences domestiques, contre 10 % des familles de la population générale », précisant « que la situation française se caractérise par des traits similaires »[9]. Un moyen de sous-entendre que les policiers seraient par nature des bourreaux.
Derrière ce travail de déconstruction, on retrouve l’objectif porté depuis des décennies par l’ultragauche visant à abolir la police. Ce n’est désormais plus un fantasme de militants. Comme le soulignent Joël Charbit, Gwenola Ricordeau et Shaïn Morisse, « des universitaires et des chercheurs défendent l’abolition de la police à travers des pétitions, mais aussi une importante production théorique »[10]. Ils suivent pour cela la stratégie popularisée depuis 2010 aux USA par le mouvement Black Lives Matter[11]. Celle-ci se déploie en trois étapes : « Disempower, disarm, disband » (affaiblir, désarmer, dissoudre). Affaiblir, toutes les études visant à discréditer et à entretenir la défiance vis-à-vis des forces de l’ordre concourent à cela. Désarmer, c’est le travail d’influence et de pression exercé parfois avec succès, par les associations pour interdire certaines techniques d’interpellation ou certaines armes, comme les LBD. Dissoudre, c’est l’objectif final. Abolir la police pour rétablir « l’auto-défense ». Une défense organisée au sein des communautés et débarrassée de la tutelle de l’État. Là encore, ce vieux rêve anarchiste est désormais revendiqué par une partie de notre recherche universitaire, tout cela grâce à la générosité du contribuable français.
[1] Paul Rocher, Que fait la police ? et comment s’en passer, La Fabrique, 2022.
[2] Paul Rocher, Gazer, mutiler, soumettre, Politique de l’arme non létale, La Fabrique, 2019.
[3] « Peut-on abolir la police ? La question fait débat aux États-Unis », article publié sur le site The Conversation, 14 juin 2020.
[4] « Que faire de la police », Ballast, 2020/2 – n°10, pp. 54-83.
[5] Didier Fassin, Frédéric Debomy, La Force de l’ordre, Seuil, 2020.
[6] Paul Rocher, Que fait la police ? et comment s’en passer, La Fabrique, 2022, p. 51.
[7] https://bourrasque-info.org/spip.php?article1940
[8] Ibid. p. 58.
[9] Paul Rocher, Que fait la police ? et comment s’en passer, La Fabrique, 2022, p. 57.
[10] « Peut-on abolir la police ? La question fait débat aux États-Unis », article publié sur le site The Conversation, 14 juin 2020.
[11] Le mouvement est en effet né bien avant la mort de Georges Floyd en 2020.
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